Handicap et sentiments
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Handicap et sentiments

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 Handicapé ?

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MessageSujet: Handicapé ?   Handicapé ? Icon_minitimeVen 11 Nov - 2:27

Je suis nouveau parmi vous et j'ai vraiment été séduit par l'ambiance sympa de ce site. Je souhaiterais parler de moi, de ma vie avec ce handicap dont personne ne parle, même si il semble que de nombreuses personnes sont touchées par cette infirmité.

J'ai 45 ans et je suis né avec une déficience des sphincters vésicaux. Je n'arrive pas à les commander pour contrôler l'écoulement de la vessie et ils sont atrophiés du fait de ne pas servir. Cela a été particulièrement difficile à assumer pendant l'enfance et l'adolescence. Le pédiatre qui me suivait prétendait que certains enfants deviennent propres assez tardivement et mes parents ne se sont pas vraiment inquiétés de mon état d'autant plus que vers quatre ou cinq ans mon retard était surtout du côté urinaire. Ils préféraient les réprimandes à mon encontre. Question d'époque sûrement. J'ose espérer que cela se passerait autrement aujourd'hui pour un enfant incontinent. J'ai donc eu droit à beaucoup d'injonctions pressantes.

"retiens-toi, fait un effort";
"demain, on supprime la couche";
"comment vas-tu faire quand tu iras à l'école ?";
"Les grands garçons ne font pas pipi dans leur culotte";
"A ton âge tu n'as pas honte de mettre encore des couches";

et aussi d'humiliations devant la famille ou des tierces personnes :

"Il n'est pas encore propre";
"Rien n'y fait, même sans couche il se mouille"
"Il faut le changer de vêtements toutes les demi-heures"
"il ne peut pas se passer de couche à son âge"

Que de mauvais souvenirs qui font que contrairement à beaucoup de gens je n'ai pas la nostalgie de mon enfance. A l'âge que j'avais, comment expliquer de manière convaincante que je ne pouvais pas me retenir, que j'étais impuissant à contenir puis à arrêter le flux de ma vessie. Vers 6 ou 7 ans mes parents ont commencé à consulter des médecins pour mon cas. Il semble que leur première réaction était de dire "c'est une cause psychologique ou bien il est paresseux et il ne veux pas abandonner ses jeux pour aller aux toilettes". Je me souviens aussi avoir été contraint de parler à une dame revêche, sûrement une psychologue, qui me posait des tas de questions auxquelles je ne voulais pas répondre sur ma vie, ma famille. Et tout d'un coup après une séance à me tirer les vers du nez, elle se mettait à me montrer des dessins étranges, des jeux bizarres, stupides.

Je rentrais au cours préparatoire et là une autre forme de calvaire est apparue sous la forme des moqueries de mes soi-disant camarades. Il m'arrivait d'avoir des débordements en classe et je me souviens encore des exclamations des autres élèves qui s'exclamaient "M'dame, y'a du pipi sous sa chaise" en découvrant la petite flaque qui me trahissait. Je rentrais en larmes chez moi mais malgré tout je n'étais pas mauvais élève ce qui attisait encore l'agressivité des autres. Bref, je ne jouais avec personne, j'étais rejeté, j'étais le "pisseux".

Comme mon état ne s'améliorait pas, mes parents décidèrent d'employer de nouveau la force et se remirent en tête de supprimer couches et culottes imperméables. Ce qui fut décidé fut appliqué pendant d'horribles vacances de Pâques que je n'oublierai jamais. Je me sentais lamentable car on ne me changeait même plus de vêtements pendant la journée. La nuit, mes draps étaient trempés et le matin ma chambre empestait l'odeur d'urine. Cela accentuait encore mon refus de boire, (j'avais tout le temps soif) et ma hantise de l'odeur. Mauvaise stratégie. J'attendais avec résignation la fin des vacances. Ce fut un soulagement lorsque j'ai pu remettre mes couches à la rentrée. On n’utilisait pas encore le mot "protection" pour désigner ce qui m'était indispensable pour aller et venir et mener une vie à peu près normale. Bref, j'ai vécu une partie de mon enfance avec la crainte qu'on m'interdise à nouveau de mettre des couches car la menace a plané jusqu'à ce qu'un urologue et un neurologue diagnostiquent définitivement après de nombreux examens médicaux, que mes sphincters étaient incompétents. Plus tard, après toutes ces années, je me suis demandé si ce qui était tabou n'était pas plus le fait de mettre des couches que la raison pour laquelle je devais en mettre.

D'enfant perturbé, rebelle, je suis devenu un enfant "malade". On ne parlait jamais à la maison de mon incontinence ou de mes troubles sphinctériens, mais de ma "maladie". La vie est devenue quand même un peu plus facile pour moi. Les moqueries de mes camarades de classe fusaient toujours autant mais j'en avais pris mon parti en me réfugiant dans des activités que je pouvais faire seul et qui finalement m'ont beaucoup appris sur la technique et la fabrication des choses. Cette solitude était profitable à une intense créativité alors que les gamins de mon âge perdaient beaucoup de temps à des jeux stupides, par exemple, courir comme des dératés après un ballon. Trop nul ! L'ambiance était plus sereine à la maison. "Enfant malade" j'étais suivi par un médecin de famille qu'on appelait pour faire des certificats afin de m'exempter de cours d'éducation physique entre autres, et par un urologue qui ne m'examinait même plus et qui me toisait toujours de son air goguenard et blasé. L'infirmière scolaire et l'assistance sociale de l'établissement étaient à mes petits soins. A la maison, ma mère cherchait pour moi les meilleures solutions d'hygiène. Etant maintenant en classe de sixième, puis de cinquième, j'avais grandi et les "Cotocouche" n'étaient plus assez longues. Il a fallu acheter des rouleaux de cellulose en pharmacie et des "culottes médicales pour incontinents" plus grandes que celles que j'avais porté jusque vers 11-12 ans et adaptées à ma taille d'adolescent. Il y en avait de différentes sortes que j'ai pratiquement toutes utilisées. Toutes avaient en commun d'être laides, inconfortables, se déchirant facilement et chères. Finalement celles que je préférais étaient fabriquées dans une matière anallergique, le dermalon, et doublées de Rhovyl. Leur coupe était moins inconfortable que la plupart de celles des autres marques. La cellulose était découpée en grands rectangles et pliée en plusieurs épaisseurs puis introduite entre le dermalon extérieur de la culotte et la doublure. Il fallait en permanence un roulement d'une quinzaine de ses culottes très spéciales. Une pour la journée, une pour la nuit suivante, et ainsi de suite. La machine à laver tournait tous les jours. Le jour cela n’allait pas trop mal. La nuit c'était différent. Malgré tout cet équipement, je me réveillais souvent le matin avec le drap mouillé. L'étanchéité aux cuisses n'était pas garantie ! Et j'ai toujours détesté au plus au point me réveiller dans un drap trempé. De jour et de nuit, ces culottes étaient inconfortables au possible. Les élastiques faisaient mal et le manque d'aération favorisait les problèmes de peau dus à la macération. Enfin, la sensation d'humidité quasi permanente était désagréable. Et bien qu'imperméables ces culottes n’évitaient pas le passage des odeurs mais au contraire favorisait leur formation. Puis sont apparues les couches droites pour adultes qui ont permis de s'affranchir petit à petit des travaux de découpage pliage de la cellulose. Un léger mieux.

Au lycée, j'étais complètement inhibé avec les filles. Je les évitais, et je n'ai pas du tout profité des avantages de la mixité ! Ma scolarité se déroulait bien, mais sans cours de gymnastique et sans les sorties et les voyages organisés par les professeurs. Je voulais aller en Allemagne et en Angleterre et j'ai du encore patienter quelques années pour voyager, mais je me suis rattrapé depuis. J'ai passé le bac que j'ai eu avec mention. J'avais fourni un certificat médical qui m'autorisait à me rendre aux toilettes avec un sac comportant le nécessaire. On était en plein dans les années baba-cool. La mode était aux grèves dans les lycées, aux voyages en Europe avec sac à dos, en stop, aux petites anglaises. Je suis passé à côté de tous ces plaisirs. J'enviais les élèves qui avaient des motos parfois superbes comme l'un d'entre eux qui roulait sur une extraordinaire Triumph Bonneville. Avec quelle facilité il prenait la vie, emmenant chaque jour derrière lui une fille différente. Mais avec ma "maladie" il valait mieux que je ne parle pas de moto chez moi et que je ne pense pas aux filles. En terminale, j'ai quand même eu une amie dont j'étais secrètement amoureux. Une jolie bretonne très brune avec de longs cheveux qui s'appelait Annick. Elle est venue un beau matin s'asseoir à côté de moi en classe, puis tous les jours ensuite. On s'échangeait les cours, on révisait ensemble dans un café proche du lycée, on rentrait ensemble le soir avec le même bus. Elle connaissait mon handicap et m'avait confié avoir été énurétique jusque vers quatorze ans. Mais il ne s'est rien passé entre nous par ma faute, à cause de mes complexes de mon état de "malade".

Pendant ma première année de fac j'ai été convoqué pour les trois jours du service militaire. Cela a été une épreuve très dure. Faire la queue avec plein de jeunes types en slip moqueurs et éclatants de santé dont les yeux étaient rivés sur ma culotte à boutons pression assez abondamment garnie en raison des longues heures d'attente prévisibles a été une expérience que je ne souhaite pas à mon pire ennemi. Pas de compassion dans les casernes ! Les médecins militaires ne m'ont en effet rien épargné en matière de propos peu aimables.

La fac de droit s'est bien passée. La relative indifférence qui règne dans les amphithéâtres entre les étudiants m'a enfin affranchi des moqueries des autres. Les protections sont devenues meilleures avec une forme anatomique. Les changes-complets sont également apparus mais étaient d'une laideur insoutenable et d'une piètre qualité. Difficiles à mettre, avec des adhésifs qui ne tenaient pas, je ne les ai pas utilisés longtemps. Pour la nuit aussi, je restais donc fidèle aux "culottes médicales" garnie d'une protection anatomique plus longue et plus épaisse. J'ai eu une relation intime avec une étudiante pendant trois ans. A vingt-deux ans, je connaissais enfin les joies de l'amour. J'ai appris à vider complètement ma vessie avant le rapport juste après la douche ce qui laisse une demi-heure sans fuites. Mais guère plus car l'orgasme excite les contractions vésicales. Avec un peu de compréhension de part et d'autre, c'est à dire aussi bien du côté du partenaire qui n'est pas incontinent, que de celui qui l'est et qui ne doit pas imposer son handicap à l'autre en commençant par ne négliger aucune précaution d'hygiène, il est possible d'avoir une vie sentimentale. Il faut surtout essayer d'en parler et ne pas chercher à dissimuler le problème et les moyens de le gérer. Car la aussi, le moyen, c'est à dire utiliser des protections absorbantes, est plus mal toléré par le partenaire que les fuites en elles-mêmes. Etrange mais réel.

L'apparition des slips en filet textile pour maintenir les couches anatomiques que j'ai adoptées rapidement a simplifié les lessives. Finies les inconfortables culottes d'incontinence ! Les changes complets sont devenus également meilleurs et j'ai enfin pris le coup pour les mettre correctement. J'ai passé de plus en plus de nuits sans que le drap soit mouillé au réveil. Là aussi moins de lessives de draps et d'alèzes.

Après les études la recherche d'un premier emploi été une nouvelle galère. Impossible de préciser ce handicap dans le CV ! J'ai trouvé enfin un travail qui se déroulait dans des conditions agréables, puis j'ai créé mon propre emploi.

Après toutes ces années j'ai réussi à vivre de mieux en mieux avec mon incontinence urinaire. C'est sûrement plus facile d'accepter ce handicap quand on est né avec que lorsqu'il survient soudainement au cours de la vie. Les protections ont fait des progrès considérables ces quinze dernières années et je dirai même depuis cinq ans. Ces progrès facilitent grandement l'acceptation de l'incontinence en ce qui me concerne. Malgré l'existence de sphincters artificiels et d'autres avancées chirurgicales, je ne souhaite pas me faire opérer. Les sensations de mon corps font que j'arrive à équilibrer la quantité d'eau que je bois en fonction de l'absorption de ma protection. Les risques inhérents à l'opération et l'apprentissage à gérer de nouvelles sensations inconnues me rebutent. J'ai mis des couches pendant quarante-cinq ans je peux encore continuer. cela fera quand même pas mal de tonnes de déchets, mais l'écologie dans tout ça passe au second plan.

Etre incontinent, c'est plus dans mon cas affronter des problèmes pratiques que vraiment médicaux. C'est un état plus qu'une maladie et il m'est impossible de parler de mon incontinence sans beaucoup parler des moyens qui me permettent de la gérer, bref de vivre avec. Il faut donc trouver des produits et des "trucs" qui conviennent à son propre problème et qui n'ont pas valeur de vérité universelle. Voici comment je gère actuellement la question :

Le jour je mets des change complets très absorbants (Maxi) depuis longtemps. Je n'ai pas trouvé mieux. Par dessus, je porte un slip classique en coton à taille haute un peu serré. Cela maintient bien le change en place. La nuit, j'utilise les même changes mais avec une couche droite traversable en plus disposée à l'intérieur ce qui renforce encore l'absorption du change. Ainsi, il est très rare que le drap soit mouillé. J'ai quand même une alèze imperméable sous le drap pour protéger le matelas.

Voilà mon expérience de nombreuses années d'incontinence. Ce handicap confine malheureusement dans une certaine solitude. Le pire est le silence qui l'entoure. L'incontinence est tabou et les mentalités évoluent lentement. Ce qui est positif est qu'elle m'a permis de relativiser les choses.

Enfin, il est important d'essayer de surmonter les complexes causés par ce handicap. Je sais et j'accepte le fait que les couches me sont nécessaires et qu'il ne faut surtout ne pas avoir honte d'en porter. Je n'ai pas complètement réussi à vaincre une certaine honte mais j'essaie tous les jours de la surmonter. C'est pourquoi témoigner sur mon handicap me semble important. Puisse t'il aider celles et ceux qui le liront.

Vous savez maintenant qui je suis, mais je ne me réduis pas à mon handicap. Je suis quelqu'un qui aime la vie, qui a des hobbies, mais je me sens très seul affectivement. J'aimerais rencontrer une amie et partager des moments de tendresse et de complicité avec elle, c'est mon souhait le plus cher.
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MessageSujet: Re: Handicapé ?   Handicapé ? Icon_minitimeVen 11 Nov - 13:38

salut

je suis touchee par se que tu as ecris ca n a pas du evident tt les jr pour nous autre les personne handis on doit supporter pas mal de refflexion desagrable de par leur ignorence en grandisssant on apprend a devenir fort et fermer nos ecoutille....
il nous faut garder la peche et prendre tout le plaisir de la vie
comme tu le fais aller courage
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MessageSujet: Re: Handicapé ?   Handicapé ? Icon_minitimeDim 20 Nov - 22:20

Salut Jackotte,

Merci beaucoup pour ton sympathique message et tes encouragements.

J'ai envie d'ajouter ceci : j'assume plutôt bien mon handicap et tout ne serait pas si mal si il n'y avait pas le regard des autres, ce regard qui lui au contraire ne veut pas assumer la réalité qu'il voit. Les gens ont peur de tout. Paradoxalement ce qui rend les choses assez difficiles pour moi c'est que mon problème ne se voit pas beaucoup. Je dois donc en parler chaque fois que je sais que je ne pourrai pas le dissimuler plus longtemps. Et c'est là que j'ai l'impression d'avouer une maladie honteuse quand je vois l'expression de la personne qui reçoit la confidence. C'est souvent un moment pénible.

Amitiés

Thierry
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MessageSujet: Re: Handicapé ?   Handicapé ? Icon_minitime

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